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APPEL À CONTRIBUTION

THÈME

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Dans le contexte actuel de crise systémique et de transition globale, la question de la territorialisation des patrimoines devient centrale, aussi bien dans les mondes de la culture et de l’économie que chez les élus et les chercheurs. Certes, en 2016, le poids économique direct de la culture, c’est-à-dire la valeur ajoutée de toutes les branches culturelles, n’atteint que 2,2 % de l’ensemble de l’économie française, soit 44,5 milliards d’euros, et la seule branche patrimoine à peine 0,2 % [1]. Cependant, les collectivités locales consacrent près de 40 % de leurs dépenses culturelles totales (143 € par habitant, en 2014) à la conservation et diffusion patrimoniale [2]. Cela ne va pas sans raison. Les musées, vénérables temples de la culture et de la science, qui constituent aujourd’hui une composante de l’offre culturelle et ludo-éducative, sont invités de plus en plus à jouer un rôle significatif tant au niveau des entreprises que dans le cadre méso‑économique du développement territorial. Les partenariats, rencontres parfois improbables entre acteurs issus de mondes différents, rendent possibles des « fertilisations croisées » et facilitent l’innovation.

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Mais de quoi parle-t-on au juste quand on évoque le patrimoine ? Fondamentalement, qu’il soit désigné par les institutions de pouvoir ou approprié par les citoyens, le patrimoine est un construit social. Il n’est pas une donnée naturelle « en soi » mais le résultat d’un processus social de patrimonialisation, par lequel une collectivité humaine décide d’ériger telle ou telle « chose » au rang de patrimoine, c'est-à-dire de la sacraliser, de lui conférer une valeur symbolique en l’inscrivant dans la temporalité : les éléments patrimoniaux constituent un lien concret entre passé et présent. Ils représentent une « ressource » pour les acteurs d’aujourd’hui [3] : ressource culturelle, scientifique, symbolique, communicationnelle, managériale… mais aussi citoyenne et sociale [4]. Gérer le patrimoine, c’est donc organiser la continuité historique, sans laquelle une société ne peut construire son avenir. Force est de distinguer deux grands enjeux de la patrimonialisation : des opérations à caractère identitaire, où le patrimoine est utilisé comme outil de légitimation, coexistent avec des opérations à finalité économique, qui relient patrimoine et marché.

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Nous proposons de questionner les liens qui s’établissent entre patrimoines et territoires : en quoi le patrimoine est-il un moyen de valorisation et de définition du territoire comme espace approprié, utilisé et délimité ? Si le processus de patrimonialisation peut concourir à valoriser son objet, voire lui donner une dimension symbolique, il peut également en faire un levier constructif et une ressource pour le territoire. Le patrimoine n’est pas uniquement un legs du passé. Il peut devenir moteur pour l’avenir et fournir matière à penser l’évolution. Plus globalement, l’étude de processus de patrimonialisation mais aussi de certains objets patrimoniaux, peut contribuer à l’approche des identités territoriales.

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1. PICARD Tristan, Le Poids économique direct de la culture en 2016, Ministère de la Culture et de la communication, Deps, « Culture chiffres », 2018-1, 16 pages, en ligne : http ://www.culturecommunication.gouv.fr /Etudes-et-statistiques.

2. DELVAINQUIERE Jean-Cédric et TUGORES François, Dépenses culturelles des collectivités territoriales : 9,3 milliards d’euros en 2014, Ministère de la Culture et de la communication, Deps, « Culture chiffres », 2017-3, 33 pages, en ligne : http ://www.culturecommunication.gouv.fr /Etudes-et-statistiques.

3. DAVALLON Jean, « Le patrimoine témoin ? », in POISAT Jacques dir., Hôpital et Musée. Actes de la rencontre internationale de Charlieu (26-27 septembre 1997), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999, p. 17-24.

4. POISAT Jacques, « Patrimoines de la santé : fardeau ou ressource pour l’hôpital et la société d’aujourd’hui ? », Patrimoine et cadre de vie, 2015, n° 194, p. 33-39. 

COMMUNICATIONS ATTENDUES       

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Le présent appel à communications s’adresse aux chercheurs de toutes disciplines ainsi qu’aux professionnels, bénévoles et élus de tous secteurs. Les communications proposées peuvent être générales et conceptuelles, ou s’attacher à l’analyse d’actions concrètes liant patrimoine et territoire. Elles peuvent concerner toutes les formes de patrimoine (artistique, ethnologique, scientifique, technique, naturel, architectural, mobilier, immatériel, industriel, hospitalier, etc.) et la notion de territoire n’est pas géographiquement limitée. Globalement, tous les types de rapports entre patrimoine et territoire peuvent être abordés. À titre indicatif, trois axes de recherche seront privilégiés.

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1.  Mémoire et transmission dans les territoires

 

La patrimonialisation permet à un objet de quitter sa fonction initiale pour être transmis, transcodé et acquérir ainsi une nouvelle fonction sociale. Il intègre pour cela le passé dans le présent etnous met en rapport avec une autre culture et/ou une autre époque. Partant du constat qu’il est essentiel de connaître le passé pour mieux inventer le présent et le futur, il s’agit de questionner la mémoire et la transmission à travers la démarche de conservation matérielle d’objets par les musées mais aussi à travers la sauvegarde du patrimoine immatériel, lorsqu’il s’agit par exemple de préserver un savoir-faire spécifique. Dans les territoires en reconversion, par exemple, on peut se demander ce qu’il faut sauvegarder de la mémoire du travail en train de disparaître, dans quel objectif et de quelles manières. La transmission directe, l’enregistrement de témoignages et la préservation d’objets apparaissent comme autant de possibilités. Dans certains cas, le numérique apparaît comme un outil essentiel pour la préservation, la valorisation et la diffusion des objets patrimoniaux : site web, films, utilisation de tablettes pour la médiation, numérisation de fonds… Les communications proposées pourront aborder, d’une façon générale, les questions liées aux modes et outils de transmission dans les territoires ou s’attacher à l’analyse de cas précis.

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2.  Patrimoine ressource

 

Grâce au travail de mémoire et de communication, le patrimoine fournit matière à problématiser la transformation.Le patrimoine relève alors d’une dimension pragmatique ; il n’est plus seulement considéré comme collection d’objets mais tend à être utilisé par les acteurs sociaux comme ressource : il procède de la reconnaissance d’objets du passé auxquels on réaffecte un rôle concret dans le présent, produisant ainsi des objets patrimoniaux qu’on pourrait qualifier de « consommables » [5]. Plusieurs types de ressources patrimoniales peuvent être identifiés : culturelles et scientifiques, identitaires et symboliques, techniques, managériales (puisqu’elles permettent à un territoire de développer ses activités), mais aussi citoyennes et sociales. Si le processus de patrimonialisation concourt à donner une dimension symbolique à une « chose », il peut également en faire un levier constructif. Il ne s’agit donc pas seulement de découvrir des objets-patrimoine comme « trouvaille » [6] mais aussi d’instaurer une démarche permettant d’en tirer parti. 

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Dans de nombreux territoires, des partenariats se créent entre collectivités locales, entreprises, structures d’enseignement et de recherche, associations, élus et institutions culturelles. Au-delà d’enjeux d’ordres culturel et scientifique, nombreuses démarches de patrimonialisation engendrent des « retombées » sociales et économiques, ou plus largement des interactions avec le territoire, notamment en matière de création d’emploi, de tourisme, de développement économique de proximité, d’insertion et de cohésion sociale ou d’identité…même si l’évaluation des effets (directs, indirects et induits) pose souvent problème. À travers ces coopérations, un rapport s’établit entre démarches socio-économiques et patrimoniales. La présentation et l’analyse de certains exemples de coopération montrent en quoi ces échanges entre différents acteurs peuvent être riches et moteurs pour le territoire, qui devient alors un lieu de création/innovation valorisé conjointement par le patrimoine et l’activité économique et sociale.

 

3.  Archives patrimoniales

 

Nous proposons de questionner également le territoire comme espace représenté. L’apport du visible peut contribuer à l’approche des identités territoriales.Certains objets patrimoniaux (peintures, photographies, cinéma…) permettent d’ausculter les territoires et d’en appréhender les évolutions.La numérisation de fonds iconographiques, réalisée dans une optique de conservation préventive par les institutions muséales et culturelles, sert aussi ces recherches sur les identités territoriales. Certains fonds d’archives de photographes professionnels documentent par exemples des territoires à travers leur activité économique (notamment commerciale et industrielle). Ce type de représentations permet d’appréhender les modalités d’aménagement et d’occupation des territoires, tout comme la nature des activités professionnelles qui façonnent leurs évolutions. La présentation d’archives visuelles et patrimoniales permettra d’examiner certains territoires et de confronter les regards portés sur ces territoires en fonction des époques. 

 

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5. RAUTENBERG Michel, La Rupture patrimoniale, Grenoble, À la croisée, « Ambiances, ambiance », 2003, p. 155.

6. DAVALLON Jean, « Comment se fabrique le patrimoine ? », Sciences Humaines, hors-série n°36, mars/avril/mai 2002.

MODALITÉS DE SOUMISSION

 

Les propositions de communication sont à envoyer par courriel avant le jeudi 9 mai 2019 à anne.celine.callens@univ-st-etienne.fr et jacques.poisat@univ-st-etienne.fr

 

Elles devront comprendre : 

  – un titre et un résumé de 3000 signes maximum

  – une courte bio-bibliographie de l’auteur (5 lignes environ)

 

Les propositions de communication sélectionnées par le comité scientifique seront réparties sur l’une ou l’autre des deux journées (7 et 8 novembre). Merci d’indiquer une éventuelle incompatibilité de date. La notification des réponses sera adressée avant le 30 juin 2019.

 

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ORGANISATEURS

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Anne-Céline CALLENS, Maître de conférences en sciences de l’art, CIEREC, Université Jean Monnet, Saint‑Étienne

 

Jacques POISAT, Maître de conférences en sciences économiques, EVS-ISTHME (UMR 5600), Université Jean Monnet, Saint-Étienne, vice-président du Réseau de musées en Roannais

 

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COMITÉ SCIENTIFIQUE

​

Jordi BALLESTA, Docteur en géographie, CIEREC, Université Jean Monnet, Saint-Étienne 

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Anne-Céline CALLENS, Maître de conférences en sciences de l’art, CIEREC, Université Jean Monnet, Saint-Étienne

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Michèle CHAMPREMIER, Présidente du Réseau de musées en Roannais

​

Mylène COSTES, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, DDAME, LERASS, Université Toulouse Jean Jaurès

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Catherine CUENCA, Conservateur général du patrimoine, directrice-adjointe du musée des Arts et Métiers, responsable de la mission nationale PATSTEC

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Jean DAVALLON, Professeur émérite en sciences de l’information et de la communication, Centre Norbert Elias (UMR 8562), Université d’Avignon et des pays de Vaucluse

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Raphaël DEBRUYN, Directeur, Musée de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, Lessines, Belgique

Michel DEPEYRE, Maître de conférences en histoire, EVS-ISTHME, Université Jean Monnet, Saint-Étienne

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Florence HACHEZ-LEROY, Maître de conférences HDR en histoire contemporaine, Centre de Recherches Historiques (UMR 8558), Université d’Artois

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Danièle MÉAUX, Professeur d’esthétique et sciences de l’art, CIEREC, Université Jean Monnet, Saint‑Étienne

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Nicolas NAVARRO, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, ELICO, Institut du patrimoine de l’UQAM, Université Lumière Lyon 2

 

Nathalie PIERRON, Directrice, Musée des Beaux‑arts et d'archéologie Joseph Déchelette de Roanne

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Nicolas PIERROT, Conservateur en chef du patrimoine, chercheur au service Patrimoines et Inventaire de la Région Île-de-France, en charge du patrimoine industriel

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Jacques POISAT, Maître de conférences en sciences économiques, EVS-ISTHME, Université Jean Monnet, Saint-Étienne

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Denis ROBITAILLE, Directeur général, La Fiducie du patrimoine culturel des Augustines de Québec

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