RÉSUMÉS DES INTERVENTIONS
1. INSTITUTIONS CULTURELLES
"Autour du musée ce n'est pas le désert !"
Michel TAECKENS
On entend encore trop souvent dire que le « musée » reste un temple, une place forte difficile à conquérir ! Dès lors comment voulez-vous que les acteurs du territoire dans lequel il s’inscrit se l’approprient ! Rencontres improbables ? Pourtant ce sont bien les musées qui détiennent, par leur collections, les clés de ce lien possible entre le passé et l’avenir du territoire.
Cette communication se propose de s’appuyer sur des expériences vécues du lien entre patrimoine et territoire. Après 20 ans d’existence, La Maison de la Chicorée (Orchies, 59), musée d’entreprise avec une collection unique de plus de 10 000 pièces sur l’histoire d’une plante, vient de fermer ses portes ! Cette collection n’a pas réussi à séduire son territoire le plus proche ; celui de l’entreprise : dites au directeur marketing d’utiliser le patrimoine alors qu’il doit « vendre » un produit déjà taxé de passéiste ! Au-delà, la ville même d’Orchies n’a jamais voulu devenir aux yeux de tous la Capitale mondiale de la chicorée. Pourquoi ? Nous verrons comment cette fermeture doit devenir une opportunité pour ancrer (enfin) ce patrimoine dans le territoire.
Le Musée de la Céramique de Desvres (Desvres, 62) est en passe de réussir l’union avec les derniers industriels du territoire. Récemment, une action a permis de valoriser et de faire entrer l’entreprise au musée. Au-delà de ses missions conservatoires, le musée a fait le choix d’accompagner la création céramique d’aujourd’hui implantée sur le territoire en mettant à la disposition des designers, des artistes et des fabricants l’ensemble de ses collections. D’autres structures doivent s’y intéresser pour leur propre survie ! C’est le cas du Musée du Vimeu (Friville Escarbotin, 80), haut lieu encore aujourd’hui de la robinetterie et de la serrurerie. Le pas reste à franchir pour une structure comme La Maison de la Confiserie (Wattignies, 59). Voici une structure nait de la fermeture de La Pie qui Chante. Des Anciens ont rassemblé, collecté puis valorisé ce patrimoine. D’un Lieu Mémoire il doit se transformer en un outil, une vitrine pour les nombreux confiseurs de la métropole lilloise.
La Cité des Bateliers (Longueil Annel, 60) dans sa nouvelle et prochaine refonte des espaces prend bien le territoire en compte et notamment la question de la profession des bateliers et l’évolution du canal avec aussi le canal Seine Nord ! Le rôle de la Cité des Bateliers avec le territoire, les décideurs, les habitants est capital ! Les collections immatérielles sont également importantes dans la valorisation du territoire. De plus en plus de musées (mais parfois il est déjà trop tard) collecte cette mémoire des savoir-faire qui permet de mieux comprendre les techniques d’aujourd’hui implantées sur le territoire. L’expérience de La Manufacture, Musée de la Mémoire et de la Création Textile (Roubaix, 59) reste exemplaire par la valorisation au cœur du parcours permanent de témoignages d’anciens et d’actuels acteurs du monde textile.
"Patrimoines et transmission sur le territoire de Villeurbanne : la démarche
participative du « carnet des mémoires » au Rize"
Nolwenn LE GOFF et Vincent VESCHAMBRE
Alors que le schéma de cohérence territoriale de la Métropole prévoit pour Villeurbanne une hausse de 20000 habitants entre 2010 et 2030, tous les jours, de nouveaux chantiers ouvrent dans la ville, qui traduisent cette politique de densification. Contrairement à bien d’autres grosses communes anciennement industrielles, qui sont pénalisées par leurs héritages (Saint-Étienne, Roubaix, Tourcoing, Le Havre ou même Clermont-Ferrand…), Villeurbanne connaît donc une transformation rapide sur les plans urbanistique, paysager, économique et social, en participant d’une centralité métropolitaine dynamique, au risque de l’effacement des témoins d’une histoire fondatrice.
Il y a du point de vue de la municipalité un enjeu politique de transmission de ce qu’il reste des héritages industriels et populaires, à de nouvelles populations, souvent jeunes et de passage, qu’il s’agit de fixer, d’impliquer en les sensibilisant à un héritage social et politique. C’est dans un tel contexte qu’a été conçu le Rize, Centre mémoires, cultures, échanges de la Ville de Villeurbanne, équipement culturel atypique, inauguré en février 2008, dont la mission est de contribuer à un récit partagé, « à partir des archives, du territoire, des mémoires des habitants et des travaux des chercheurs associés » [1].
Après avoir d’abord privilégié une approche en termes de valorisation et de partage des mémoires, le Rize pense depuis plusieurs années les constructions mémorielles en lien avec les repères matériels et paysagers hérités qui leurs servent d’ancrage (Veschambre, 2008, 2014). Depuis 2016 est déployée une démarche de mobilisation d’habitants autour de l’identification de ce qui fait patrimoine dans leurs espaces de vie. Depuis ce printemps, cette démarche d’inventaire participatif, axée sur l’animation d’un groupe d’habitant.e.s, s’est étoffée par la mise à disposition d’un formulaire en ligne, conçu avec eux/elles, le « carnet des mémoires ».
Ce colloque est pour nous l’occasion de faire le point sur le processus en cours, de mieux cerner quel.le.s habitant.e.s se sont impliqué.e.s, les motivations qui sont les leurs, les types de patrimoines qu’ils/elles mettent en avant. Et d’interroger les patrimoines ainsi revendiqués en termes de « ressources », pour valoriser une expertise habitante, pour accéder à des formes de sociabilités et d’échanges, voire pour contester des politiques municipales. De ce point de vue, le patrimoine est toujours chargé d’un potentiel de positionnement politique, puisqu’il ouvre ni plus ni moins qu’à la légitimation d’une expression sur le devenir d’un territoire. C’est dans le même temps l’occasion pour deux chercheurs impliqués dans l’action culturelle, de faire un travail réflexif pour questionner « les liens qui s’établissent entre patrimoines et territoires », dans le cadre du projet politique du Rize.
1. Présentation du Rize sur le programme février-mai 2019.