RÉSUMÉS DES INTERVENTIONS
3. ENJEUX TOURISTIQUES
"Quand patrimoine et tourisme font territoire. L’exemple de la Cappadoce (Turquie)"
Annie OUELLET
Les traces du passé et des civilisations antérieures, lorsqu’elles sont mises en valeur et élevées au rang de « patrimoine », peuvent devenir une ressource mobilisée en tant qu’outil de développement territorial. L’une des formes particulièrement répandues relève de la mise en tourisme d’un lieu, s’appuyant sur ses « ressources patrimoniales ». Les processus de patrimonialisation et de mise en tourisme, interagissant dans une forme de co-construction, peuvent faire émerger de nouveaux territoires, n’ayant parfois aucun statut juridique ou administratif. La Cappadoce, en Turquie, est emblématique de cette production territoriale issue de l’articulation des processus de mises en patrimoine et en tourisme.
La communication proposée s’articule en deux temps. Il s’agit d’abord de s’intéresser à la création du territoire touristique et patrimonial qu’est la Cappadoce. Sur le plan administratif, la Cappadoce n’existe pas. Pourtant c’est aujourd’hui un territoire bien identifié qui vit en partie grâce à une fréquentation touristique importante, laquelle s’appuie largement sur un « patrimoine » à la fois naturel et culturel. La région, classée sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité est décrite comme « un paysage saisissant modelé par l'érosion [et abritant] des sanctuaires rupestres […] ainsi que des habitations, des villages troglodytiques et des villes souterraines […] dont les débuts remontent au IVe siècle » [1]. Ce patrimoine a néanmoins longtemps été ignoré par la population locale. « Découverte » par des voyageurs européens au cours des 18eet 19esiècles (p. ex. Paul Lucas (1712), William John Hamilton (1842), Charles Texier (1864)), la région est peu à peu devenue touristique, attirant essentiellement des visiteurs internationaux. Toutefois, depuis une dizaine d’années la région profite du développement du tourisme intérieur et une (ré)appropriation du patrimoine cappadocien par les Turcs et, dans une moindre mesure, par les habitants de la région, commence à se mettre en place.
Dans un second temps, nous nous intéresserons à l’un des hauts-lieux de la Cappadoce, soit le village d’Uçhisar. Ce village est à la fois emblématique de la patrimonialisation de l’habitat traditionnel troglodytique de la région, mais il a aussi connu une évolution singulière grâce à l’installation d’un hôtel du Club Méditerranée à la fin des années 1960, faisant émerger un micro-territoire francophone au cœur de la Turquie.
Notre propos s’appuie sur un travail d’enquête relevant, d’une part d’une étude de documents de diverses natures parmi lesquels des archives, des récits et guides de voyage, des documents d’urbanisme et, d’autre part de matériaux de première main produit à l’occasion de premiers séjours de recherche exploratoire (entretiens et observations).
1. Parc national de Göreme et sites rupestres de Cappadoce, https://whc.unesco.org/fr/list/357, consulté le 2 mai 2019.
"Vers un patrimoine ressource : mécanique des discours et des enjeux de la gestion patrimoniale à Pondichéry"
Anthony GOREAU-PONCEAUD
Puducherry, ou Pondichéry comme on l'appelait jusqu'en 2005, est un ancien comptoir français situé dans le Sud-Est du Tamil Nadu. Colonisée par les Français de 1672 à 1956, sa situation de petite enclave française dans une Inde alors majoritairement britannique est singulière. Bien que les Français aient quitté la ville il y a plus d'un demi-siècle, ils ont laissé derrière eux un centre-ville qui partage plus de caractéristiques avec une ville française qu'avec une ville indienne. Cela rend Puducherry unique en Inde et fait du centre-ville, où subsistent les principes urbanistiques de la France de la fin du XVIIIe au XIXe siècle, une attraction touristique majeure. Ces héritages posent la question de la mécanique et des enjeux de la gestion patrimoniale dans un contexte indien marqué par des changements majeurs : 1/l’accélération de l’urbanisation, dont les expressions matérielles se traduisent par de fortes tensions sur la valeur du sol ; 2/l’explosion de la consommation des ménages ; et 3/la transformation récente des modes de gouvernance urbaine (concurrence accrue entre les villes et gouvernance par projets).
C’est dans ce cadre singulier que nous souhaitons montrer de quelles manières se conjuguent conservations et valorisations patrimoniales dans une temporalité particulière : celle de la constitution du projet de la smart city dont priorité est donnée à l’ancienne enceinte coloniale de la cité. En 2015, le programme « Smart Cities Mission » a été lancé par le gouvernement de Narendra Modi dans le but de stimuler la croissance économique et d'améliorer la qualité de vie de la population dans 100 villes sélectionnées. Dans le cas de Pondichéry, cette ambition se focalise spécifiquement sur la question patrimoniale et son corollaire l’attractivité économique et touristique.
Il s’agira d’analyser dans cette communication comment le patrimoine est devenu une ressource territoriale gage de gouvernance urbaine et comment s’élabore cette mécanique de patrimonialisation dans laquelle interviennent des parties-prenantes locales (associations, ONG, ashram de Sri Aurobindo), nationales (État central et fédéré, ministères du tourisme) et internationales (Agence Française de Développement notamment). Nous nous emploierons à questionner les registres de légitimités usités par les institutions qui s’emploient à cette politique et au premier rang desquelles se trouvent l’INTACH (Indian National Trust for Art and Cultural Heritage) et la Smart city mission. A partir d’entretiens semi-directifs menés auprès des diverses parties-prenantes, nous souhaitons montrer comment, à travers ces coopérations, s’établit un rapport entre démarches socio-économiques et patrimoniales ; ces synergies faisant du territoire de Pondichéry un lieu de création et d’innovation.
"La dinanderie de Constantine au prisme des dispositifs économiques de
développement"
Mouna MAZRI BENARIOUA
Au delà des valeurs patrimoniales et identitaires que l’artisanat traditionnel détient, ses effets économiques ne sont plus à démontrer. Son potentiel d’employabilité, et les retombées du tourisme culturel dont il est moteur, font qu’il prend de plus en plus de significations dans la recherche de nouvelles voies pour le développement des territoires en crise. C’est d’ailleurs par rapport à ce potentiel détenu, que l’Algérie a dû mobiliser toute une stratégie d’action, ayant pour ambition majeure de faire des savoirs faires artisanaux spécifiques à certaines régions du pays , des ressources territoriales de développement qu’il s’agit de promouvoir par des programmes et dispositifs de revalorisation . A cet effet, des projets pilotes ont concerné l’expérimentation de ces dispositifs dont notamment celui de « SPL (système productif localisé) » puis de « Cluster », où des partenaires locaux et étrangers œuvrent de concert, pour la labellisation de certains produits artisanaux.
La communication proposée, tente une description de ces dispositifs à travers le projet pilote du « SPL Dinanderie de Constantine » et du « Cluster Dinanderie de Constantine », s’inscrivant dans la stratégie nationale de revalorisation de l’artisanat traditionnel algérien. Selon une approche monographique, il sera question dans un premier temps, de rendre compte des aspects démontrant la dinanderie comme une spécificité culturelle propre à la ville de Constantine, et une ressource territoriale pour son développement local. Dans un deuxième temps, on aura à exposer les circonstances de mise en œuvre du « SPL Dinanderie » et du « Cluster Dinanderie », notamment à présenter leurs objectifs, leurs axes d’intervention et leurs acteurs, à travers lesquels se perçoit la pertinence de leurs modes de gouvernance.